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  • : Créé en 2006, ce blog rédigé par Valérie Beck autrefois consacré à la danse et à ma compagnie se diversifie davantage.
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Danser, telle la phalène sous la lune, le pinceau du calligraphe, ou l'atome dans l'infini 

                                              

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11 mai 2015 1 11 /05 /mai /2015 11:13
L'histoire de Manon : Dupont/Bolle- 8 mai 2015. ONP

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" Il suffisait de presque rien"

 

 

 

On sort de cette représentation avec la vague impression qu’une promesse faite au premier acte n’a pas été tenue.  Pourquoi ? On ne sait pas vraiment, et peu importe ; on emporte avec soi sa frustration, et on se repasse en boucle les souvenirs soigneusement conservés des deux plus beaux Manon jamais vus : Guillem/ Hilaire et Ciaravola/ Ganio

Et pourtant, le  premier acte fut  brillant – c’est d’ailleurs un acte particulièrement équilibré - avec ses scènes de foule et de mondes différents qui se côtoient sur la place où les voitures à cheval déposent leurs voyageurs, avec ses rôles mimés, sa charrette des filles qu’on envoie en Louisiane et qui passe comme un funeste présage. Mime, variations, pas de deux, rencontres nombreuses, tout s’enchaîne avec brio. Le cadre se met magnifiquement en place et les différents acteurs aussi.

Aurélie Dupont est une Manon particulièrement belle, même si elle n’est pas exactement celle qu’on s’imagine à la lecture du roman,  décrite comme déjà bien « dégourdie ». Celle qu’on voit ce soir-là à un quant à soi, une réserve qui tiennent à distance certains messieurs trop empressés. Encore un peu, et elle leur enverrait une gifle !

Son frère, - Stéphane Bullion -  joue rapidement les  entremetteurs car  il réalise les avantages qu’il peut tirer de Manon en voyant le puissant Monsieur de GM – Benjamin Pech, impeccable – lorgner sur elle avec concupiscence. Mais une réelle tendresse le  lie à Manon

 

La première variation du Des Grieux de  Roberto Bolle un peu raide, un peu scolaire, un peu appliquée nous laisse supposer que le danseur est mort de trac ? Ses jambes tremblent, son jeu est inexistant.

 

Du côté des mendiants, Madin incarne plus un  prince déchu qu’un pauvre hère que le destin n’a pas favorisé, - et pourquoi pas après tout, la Fortune faisant et défaisait les choses -  sa danse bondissante et altière trouve un formidable écho auprès  de ses énergiques compagnons de misère,   chapardeurs et canailles à souhait et à l’affut du moindre sou pour survivre.

Les danseurs s’amusent et nous aussi.  

 

Au premier  pas de deux dans la chambre, un grand souffle passe entre Manon et Des Grieux et on est touché par leur fraîcheur,  leur jeunesse, leur passion : on les regarde tous deux avec tendresse et émotion ; complices de leur bonheur naissant, on leur souhaite le meilleur à venir; c’est d’une beauté à couper le souffle. La danse légère, fluide, vibrante, passe sans effort des deux côtés. Les deux danseurs sont en osmose : le jeu est subtil, ni trop ni pas assez appuyé.

Le premier acte s’achève et nous voilà le cœur débordant d’émotion et  mis dans une attente particulière.

 

Malheureusement,  tout ceci, retombe à l’acte suivant.

Aurélie  incarne une courtisane assez peu heureuse d’exercer son métier, et il est difficile de  comprendre ce qu’elle ressent vraiment et pour Monsieur de GM et pour Des Grieux. Contrainte et forcée d’être ici, elle subit la situation et n’en retire pas le moindre plaisir ; elle remplit les caisses, c’est tout !  On   voit un personnage que la misère épouvante et qui préfère sacrifier une passion que de vivre d’amour, d’eau fraîche et de haillons mais jamais une jeune femme sensuelle qui s’étourdit dans la vie nocturne.  Elle ne semble pas non plus émue ou troublée lorsqu’elle revoit son amant ; ni même embarrassée ; elle a simplement l’air fâchée, comme une mère dérangée dans son travail par ses enfants trop bruyants.    De son côté, Roberto Bolle a du mal à trouver sa place à tous points de vue dans ce salon.

Alice Renavand en maîtresse, tire magnifiquement son épingle du jeu ; mutine, taquine, complice avec son amant, - elle semble avoir l’habitude de le voir souvent ivre, et ça ne l’embête pas plus que ça !  – elle parade avec sensualité dans ce salon des plaisirs, à l’aise comme un poisson dans l’eau. Sur une danse féminine, ronde, pleine de la promesse de plaisirs qu’elle accordera plus que généreusement, son regard pétille comme le champagne qui emplit sans cesse les coupes alentour. Son pied et son regard  harponnent les riches messieurs ;   la maîtresse s’amuse.

 Les autres  courtisanes aguichent,  se crêpent le chignon, passent de bras en bras, tentent de se refiler le vieux libidineux ; l’atmosphère licencieuse du lieu est magnifiquement rendue aussi bien par les costumes, somptueux, que par les décors, les grands miroirs, les éclairages et le jeu du corps de ballet.

Monsieur de GM antipathique à souhait, se sait puissant parce qu’immensément riche. Son regard toise ses compagnons comme s’ils ne méritaient pas d’être prêts de lui et il exhibe Manon à son bras comme un bien supplémentaire ; il  a l’instinct du propriétaire, et pas l’âme d’un amant.

Grâce à tous ces protagonistes, la scène du jeu de cartes relance un peu l’action qui était en suspend et le drame se renoue avec vigueur et conviction. Drame qui atteint son point culminant quelques instants plus tard avec la mort de Lescaux, pour qui on éprouve une vraie compassion. Toute crapule qu’il était, il ne méritait pas autant de violence et une fin aussi abrupte.

Auparavant, on aura assisté à la dispute des deux amants,  qui se chamaillent comme des enfants en désaccord sur le jeu auquel ils vont jouer plutôt sur la tournure que doit prendre leur vie.

Dupont a montré un visage trop sévère dans le salon de Madame pour qu’on la croit vraiment contrariée de quitter sa vie  de courtisane; elle ne semble pas non plus très touchée de retrouver son amant qui a du mal à faire entendre sa voix.

 

Avec l’acte 3, cette impression de jeu qui n’aboutit pas se confirme

Le geôlier de Karl Paquette garde son regard de hibou réveillé en plein jour dans toute la première partie,  et les violences qu’il  fait  subir à  Manon semblent vraiment pour de faux.

 

Je revois encore Mathieu Ganio tout prévenant,  porter le petit sac de Manon/Ciaravola à la sortie du bateau et sembler vouloir souffrir à sa place ; là, rien ne se dessine vraiment. Roberto Bolle est toujours aussi encombré de lui-même.

On arrive presque à croire que  c’est le geôlier qui est pleuré à chaudes larmes lorsque Des Grieux le tue et non pas la situation dans laquelle les deux amants se retrouvent alors.

Et le tout dernier pas de deux manque de cet abandon qu’on trouvait chez Guillem et Ciaravola, avec un Des Grieux qui les porte  à bout de bras et leur insuffle autant de vie qu’il peut.

Une fois encore, le jeu est trop maîtrisé. On voit des pas, et pas une histoire. Manon meurt sans qu’on ressente vraiment d’émotion, ce qui est quand même un comble pour ce ballet

 

Mais avant, il y aura eu les filles de Louisiane, écrasées de chaleur, réduites à rien à la sortie du bateau, les passants, compatissants, embarassés ou  dégoûtés, et on aura ressenti à ce moment là une vraie tendresse pour ces malheureuses qui échouent à la Nouvelle Orléans pour être ensuite distribuées à qui voudra.

 

Le rideau tombe et on se dit «  quel dommage…. Il suffisait de presque rien pour que les actes 2 et 3 nous emportent comme le premier. »

Et de retour chez soi, on chercher sur youtube les vidéos de Guillem et de Ciaravola/Ganio...

 

 

 

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Published by Shabastet - dans opéra de paris