Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

  • : Un jour, une œuvre
  • : Créé en 2006, ce blog rédigé par Valérie Beck autrefois consacré à la danse et à ma compagnie se diversifie davantage.
  • Contact

contact

 
n'hésitez pas à me faire part de vos suggestions, de vos découvertes, ou de vos propres articles!

Rechercher

Noureev

 

Danser, telle la phalène sous la lune, le pinceau du calligraphe, ou l'atome dans l'infini 

                                              

marie-taglioni-in-zephire.jpg

18 juin 2016 6 18 /06 /juin /2016 09:09
Photo Joelle Bonnet

Photo Joelle Bonnet

La beauté de cette soirée du 14 tenait plus à la beauté de la danse en elle même et à cette douceur,  à cette tendresse qui émanaient des deux protagonistes, plutôt qu'à la justesse des personnages : Ni Ould Braham ni Heymann ne sont véritablement Giselle ou Albrecht, mais leur danse est si belle, ce sont deux artistes  si  sensibles, avec une danse si moelleuse, d'une si grande fluidité et légèreté que c'était vraiment magnifique à voir!

On ne peut avoir que le souffle coupé par la gracilité, la finesse de la danse d'Ould Braham, et par l'engagement total de Heymann! Quand il s'écroule sur le sol, c'est par fatigue véritable, il arrive au bout de lui même, et en ce sens, il finit par rencontrer "Albrecht".

 Ould Braham n'est pas, dans ce choix d'interprétation une jeune âme trépassée qui protège celui qui l'a trahie pour la simple raison qu'Albrecht est bien trop amoureux d'elle, dès le premier, acte pour qu'on croie à une trahison ; on a plutôt l'impression que Loys a été où son coeur l'a conduit, et qu'il s'est retrouvé sottement piégé par l'arrivée impromptue du Duc de Courlande et de sa fille Bathilde, la fiancée d'Albrecht. Toute la pantomime du premier acte était d'une grande lisibilité avec des choix très affirmés chez tous les protagonistes quitte à prendre une certaine liberté avec le livret, et c'est ce qui m'a plu : Heymann et Ould Braham incarnent jusqu'au bout les personnages qu'ils ont choisi d'êtreet les portent avec toute la puissance de leur coeur, de leur être,  même si c'est une lecture un peu à " contresens" du  livret; peu importe : c'est beau, authentique et habité.

Bizarement, l'Hilarion de F Alu m'a moins convaincue que celui de Vincent Chailley, sans doute parce que j'aime la rudesse de cet homme rustique, simple, touché en plein coeur par une jolie fille et qui tout à coup, trouve au fond de son coeur qui n'a sans doute jamais connu aucune tendresse, ni de sa mère, ni de ses soeurs,  de ses petites attentions qu'ont tous les amoureux à leurs débuts,  comme les lapins ou les fleurs qu'il vient déposer devant chez elle.
Grâce à elle, comme le dit Cyrano à Roxane, au moent de mourir, une " robe aura passé dans ma vie"
 

Photo Joelle Bonnet

Photo Joelle Bonnet

Hannah O Neil qui glisse sur le sol comme si elle volait, incarne une Myrtha glaciale, véritable Reine des Aulnes au féminin qui n'a pas la moindre once de sentiment humain dans son coeur de pierre; personnage fascinant, cruel, et d'une beauté surnaturelle : elle était tout cela à la fois! Ses envols ont une élévation surprenante et sont poignants d'autorité sans jamais revêtir la moindre brutalité, car Hannah O Neil est d'une légèreté absolue.

 

Photo Joelle Bonnet

Photo Joelle Bonnet

En conclusion, je dirai que Ould Braham m'a rappelé le personnage de Cristina Ricci dans Sleepy Hollow; il s'agit de cette jeune fille blonde, délicate, qui dessine des pentagrammes pour protéger l'homme qu'elle aime et qu'on veut faire périr grâce à la magie noire

Le roman Sleepy Hollow est contemporain de Giselle, il a été écrit en 1820

Il oppose lumières et ténèbres, mysticisme, foi, magie noire; il est dans la mouvance de toute cette littérature qui naît dans un siècle qui n'en peut plus des Lumières et de l'esprit scientifique qui s'oppose à la Foi.

 

Comme  la Giselle de Ould Braham, Katrina van Tassel a sa blondeur, son angélisme, son amour qui triomphera du mal.

 

Ould Braham-Heymann- Giselle- 14 juin 2016

Un grand merci à Joelle Bonnet pour le prêt de ses photos!

Partager cet article
Repost0
12 juin 2016 7 12 /06 /juin /2016 17:17
photo svetlana Loboff

photo svetlana Loboff

J'ai revu cette même interprète le 14 et l'impression a été toute autre! compte rendu à suvire d'ici quelques jours; celui-ci ne parle que de la représentation du 10 et n'est pas du tout conforme à mes impressions du 14; cela veut dire que des artistes de cette trempe sont capables en trois jours, de faire considérablement évoluer leurs personnages!

 

Myriam Ould Braham est une Giselle  classique :  timide, candide, douce et pleine de tendresse pour sa mère et pour le prince (Mathias Heymann) qui lui rend visite,  elle repousse avec douceur Hilarion et semble presque s’excuser de ne pouvoir l’aimer ; elle est si délicate qu’on ne s’étonne guère qu’après avoir appris la trahison d’Albrecht, elle perde l’esprit et le contact avec le monde réel. Malgré une danse d’une grande beauté dans laquelle toutes les qualités citées sont apparentes,  Ould Braham me convainc moins en Giselle qu’en Nikya cet hiver ;  son personnage est plus en retrait, mais  malgré tout,  jolie et naturellement gracieuse, Myriam Ould Braham est délicieuse en scène.

Sa scène de la folie reste assez sage et sa mort aussi ; elle nous raconte une histoire, elle le sait et nous aussi ; c’est sans doute la raison pour laquelle nous restons donc en lisière de celle-ci, conscients que nous sommes au spectacle. 

A ses côtés, Mathias Heymann avec sa danse vive, moelleuse et son sourire plein de candeur  est un jeune homme fougueux, fou-amoureux de sa Giselle mais aucunement un prince ; rien ne le différencie vraiment des vendangeurs qui rentrent le soir au village ; il est   simple, spontané, sans autorité ni  majesté ; un peu du Roméo de ce printemps est resté accroché à lui ; son face à face avec Hilarion est à son désavantage car c’est Vincent Chaillet/Hilarion, le garde chasse, qui a largement le dessus même si celui-ci s’éclipse comme le veut la mise en scène. 

 

Le couple Albrecht/Giselle est  un couple qui s’aimera dans la mort comme il s’est aimé dans la vie, avec une sincérité absolue. Au second acte, Giselle accompagne de sa tendresse son cher Albrecht qu’elle protège de toute la force de son cœur ; moins ombre que bonne fée bienveillante, ses variations ne se teintent nullement de mystère ou de la solitude poignante dans laquelle la mort a jeté Giselle en la séparant de ceux qu'elle aimait. En sortant de la tombe, elle est restée celle qu'elle était dans le monde des vivants : aimante, douce, bienveillante, prenant soin de ceux qu'elle aime.

 

A ses côtés, la Myrtha de H. Bourdon fait  peur ! Gare à celles de ses Willis qui ne lui obéiraient pas ; ses grands jetés sont dansés en force et manquent d’immatérialité, de même que les petits pas glissés du début, trop terrestres. Elle pointe ses doigts vers le sol avec la brutalité de la fée Violente dans la Belle. C'est une façon de voir le personnage : "l'implaccable" Myrtha. Mais cet esprit frappeur ne me séduit pas. Froideur virginale ne signifie pas forcément  sécheresse ou brutalité...

De la sorte, le second acte a cruellement manqué de magie, de mystère, et surtout, de ce souffle romantique qui parcourt l’œuvre de Gautier, Hoffmann ou les premiers poèmes de V. Hugo,  malgré le superbe travail du corps de ballet. 

  

Partager cet article
Repost0
12 juin 2016 7 12 /06 /juin /2016 16:38
Pagliero-Paquette - Giselle- Opéra de Paris 2016

 

Ludmilla Pagliero – Karl Paquette – François Alu – Charline Giezendanner-  Vincent Chailley- Fanny Gorse

Au premier acte, Ludmila Pagliero est une Giselle vive, drôle, qui ne se laisse nullement intimidée par le beau garçon qui vient frapper chez elle ; loin d’être une amoureuse tremblante,  elle fait preuve de beaucoup d’esprit face à Loys et ne s’en laisse pas compter ; elle surprend, habitués que nous sommes aux viriginales Giselle naïves, timides ou candides qui baissent les yeux ou rougissent ; rien de tout cela chez Pagliero qui est la jeune fille en lisière de la forêt qu’on voudrait tous avoir pour amie – on ne s’étonne donc pas du nombre de celles-ci sur scène ni de voir autant de monde graviter autour de sa maison!  La passion coule dans ses veines, pour la danse mais aussi pour la vie, et c’est précisément cette passion qui, une fois morte, se transformera en un sentiment fort, puissant : le pardon.

Pagliero/Giselle danse comme elle est, avec spontanéité et sans chercher à séduire. Elle a une façon de dire à sa mère : «  Oh, ne t'inquiète pas, tu sais,  je ne faisais que danser quelques petits pas deci delà » irrésistible  de drôlerie. Son personnage est consistant, loin des sentiers battus, vivant, et l'on ressent ce qu’elle vit, on devient ce qu’elle est y compris dans sa scène de la folie tellement convaincante avec pourtant une économie des gestes et des expressions :  comment fait-elle pour qu’au moment où tout le plateau s’immobilise on réussisse à comprendre la faille qui la déchire soudainement, sans crier gare et la fait basculer de l’autre côté ? Dans sa scène de la folie se succède mille états d'âme – elle ne reconnaît plus les gens, sombre dans ses souvenirs, tout à coup rit  les yeux fous et en reculant  heurte Bathilde,  la fuit avec une expression hagarde, cherche sa mère, se rappelle les promesses d'amour et égrène quelque fleur imaginaire, puis sombre dans une douce nostalgie...

Lorsque, simplement penchée vers l’avant, les genoux légèrement pliés et le dos rond, elle reste ainsi sans plus bouger, notre compassion infinie l'enveloppe tout entière.

A ses côtés, Karl Paquette est un prince amoureux, mais réservé ; un peu rêveur, un peu absent, vient-il chercher en  courtisant Giselle à échapper à un profond ennui de vivre ? Pourtant,  lorsqu'il lui jure un amour éternel,  il s’anime vraiment. Sans doute aime-t-il cette jeune fille qui est si vivante, bien plus qu'il ne le sait lui même. Il faudra qu'elle s'effondre sous yeux pour qu'enfin, il réalise la puissance de son amour pour elle.

Leur couple est harmonieux comme l’est celui que F Alu forme avec Giezendanner : quelle bonheur de les voir ensemble ! A peine sont-ils sur le plateau que tout devient léger, lumineux, joyeux !  Giezendanner comme toujours a une danse scintillante, ciselée, raffinée, tellement musicale ;  ses pieds ont une rapidité d'exécution et une délicatesse extraordinaire. La scène est trop petite pour François Alu qui l’emplit tout entier de sa danse est virtuose, puissante, souple, mais surtout tellement vivante.  Ce couple crée un superbe contraste dans l’expression de leur amour harmonieux qui éclate au grand jour avec celui formé par Giselle et Loys qui se cherchent encore. Et mieux encore, ils ne créent nullement un " divertissement" mais participent à la narration du ballet.

L' Hilarion de Chailley fait co-exister en lui une certaine rudesse et un amour dévorant pour Giselle qu’il exprime avec sincérité mais maladresse  et la Bathilde de Marie-Solène Boulet n’a pas son pareil pour se montrer aimable mais vite agacée par la petite paysanne que tout le monde adore.

   

Pagliero-Paquette - Giselle- Opéra de Paris 2016

Au second acte, Pagliero sort de sa tombe comme un esprit qu'on arrache à la nuit et qui s'éveille brutalement, sans savoir où il est. Ses tours en arabesque  irréels, hallucinés, expriment toute l'horreur de la mort. Mais dès la venue d'Albrecht sur sa tombe, la puissance de son pardon la guidera désormais et elle essaiera non seulement de consoler Albrecht mais de guérir la vengeresse Myrtha.  

Dans sa façon  de ployer le buste, d’être toujours légèrement décalée par rapport à l’axe, comme la flamme vacillante d'une bougie qui tremble au moindre courant d'air, d’insuffler un souffle impalpable à ses bras dans lequel le sang ne bat plus, de donner à son visage l’impassibilité des gisants de marbre mêlée d' une tendresse infinie, Giselle-Pagliero dit  son pardon, profond, absolu et son désir de guérir tous ceux qui l’approchent ; aussi n'implore-t-elle pas Myrtha de laisser la vie sauve à Albrecht, mais elle lui dit doucement que la vengeance ne la mènera nulle part, qu’il est d’autre chemin, en égrènant devant elle son bouquet de marguerites, non comme un reproche mais comme une offrande, afin d'éveiller en elle la jeune fille aimante qu'elle fût sans doute  autrefois.

Dans sa dernière variation, sa petite batterie précise, rapide, évanescente tout à la fois, donne l’impression qu’elle vole au-dessus du sol.

A ses côtés, Paquette,  perdu dans un rêve, ne sait pas si tout cela est réel. Dans sa série d’entrechats 6 pointe le désir de mourir lui  aussi pour rejoindre, peut-être, celle qu’il aime. Mais a-t-il jamais aimé vivre?

 

La Myrtha de Fanny Gorse  royale, diaphane, brillante, aérienne, s’élance telle une phalène dans la lumière de la nuit  ;  une autorité naturelle  pointe sous l’éclat et la précision de ses pas, de ses grands jetés, de ses arabesques penchées sur pointe ; sous son diadème qui scintille, elle brille comme un diamant au clair de lune,  et virevolte comme un feu follet qui s'ingénie à égarer les voyageurs perdus dans la nuit.

 Dans les deux actes, le corps de ballet était vivant et en harmonie et c'était un régal pour les yeux.

Koen Kessels a su insuffler aux cordes de l’esprit, aux bois du velouté, mais n’a pas pu tirer grand-chose des cuivres, qui répétaient dans la fosse avant le lever de rideau, l’ouverture des maîtres chanteurs de Wagner… outre, qu’ils couvraient leurs collègues, ils parlaient bruyamment quand ils ne jouaient pas. Assez inadmissibles, quand même !

 

 

Pagliero-Paquette - Giselle- Opéra de Paris 2016

Malheureusement, de là où j'étais, je ne voyais  comme le montre la photo ni la maison de Giselle, ni la tombe, et beaucoup de passages ont laissé pour moi la scène vide; Giselle qui sort de la maison, les Willis devant la tombe, Giselle qui sort de la tombe, Albrecht qui se recueille sur la tombe, etc...cela ne m'a pas empêché de vivre l'une de mes plus belles Giselles!

Partager cet article
Repost0
14 avril 2016 4 14 /04 /avril /2016 17:43
Roméo et Juliette - Noureev : Gilbert, Marchand, Bézard opéra de paris 2016

Toute autre ambiance avec dans les rôles-titres Hugo Marchand et Dorothée Gilbert.
Au début du ballet,  Roméo/Marchand a du mal  à incarner Roméo. Il danse magnifiquement,  mais aucun personnage n’existe vraiment. C’est un peu la même chose du côté de Gilbert qui incarne une jeune fille trop bien élevée et maîtresse d’elle-même ; elle est trop élégante et trop sage pour être Juliette ; elle  n’a pas  la vivacité un peu brouillonne de l’adolescente de 14 ans qui va prendre son destin en main. Elle est plus princesse que jeune fille qui n’est encore jamais tombée amoureuse.  Hugo Marchand lui donne la réplique sur le même ton, et si on se régale de leur belle danse, on pleure intérieurement l’absence de personnages.  On en vient à leur sur-imprimer Heymann et Baulac, tourbillonnant, un peu brouillons certes, mais au prise avec un amour qui leur tombe dessus et dont ils ne comprennent rien. C’est d’autant plus dommage que le reste de la troupe est très en  forme; les ensembles sont percutants, les rixes menées avec intrépidité. Et  le Tybalt de Bézard est d’une noirceur absolue!  

Du côté de l’orchestre, pas de vie non plus ; cela sonne bien, mais où sont les accents, les changements de direction, la vie, en un mot ? Tout est trop lisse : pas plus de vie dans la fosse que sur scène pour ce premier acte. Est-ce qu’on rentre chez soi ? Non, on attend le deuxième acte  sur son inconfortable strapontin du fin fond de l’orchestre!  

 

Et on a bien fait car au second acte, les danseurs s’emparent peu à peu de leur personnage ; Tybalt/Bézard, poussé par une haine qui le dépasse et qu'il ne comprend pas - corps et   visage déformés par la haine, dos arrondi, marche en crabe, griffes dehors, il a  tout d’un chat enragé, qui écume, aveuglé par la rage -  va mettre un peu de vie sur ce plateau trop sage; Mercutio meurt, Roméo le venge, Tybalt meurt à son tour et  on a plus de   peine pour lui que pour Mercutio !  – car Bézard parvient à nous faire sentir que c’était «  plus fort que lui », qu’il n’est qu’un pauvre jouet dans les mains des Lanceurs de Dés du  prologue du ballet : ce sont eux, le Destin, qui tirent les ficelles ; Roméo  le comprend trop tard : Juliette est déjà là, devant le corps sans vie de son presque frère. Cette fois-ci, la partition est dansée à trois voix, et on comprend qu’aucun des trois n’agit de son propre chef.  Gilbert donne à son désespoir une intensité dramatique contagieuse  avec une gestuelle qui part de l’intérieur ; elle  implose littéralement dans une danse de douleur où le chagrin le dispute à la colère, où l’incompréhension de ce qui arrive lui fait perdre ses repères.  Elle va se consumer de chagrin, là, sous nos yeux. Dorothée Gilbert concentre en elle toute la tragédie de cet fin d’acte : le destin agit en aveugle et même son Roméo en a été le jouet.

 

Au troisième acte, l’intensité gagne encore un cran ; et cette fois-ci, l’émotion emplit tout le plateau ; de l’assassinat du Frère, à l’annonce de la mort de Juliette par Benvolio, de l’assassinat de Pâris, au suicide de Roméo puis de Juliette, tout est à vif et c’est bien dans un état second que le spectateur finit lui aussi.

 

 

En comparant les deux distributions, on se rend compte qu’on a aimé la fougue de Heymann et de Baulac, leur capacité à incarner une jeunesse vibrante, incandescente, qui se  brise sur le drame, et qu’on aime tout autant  la danse tout en finesse et en intensité de Gilbert/ Marchand

On est ravi d’avoir vu Alu, Révillon, Bézard, Dayanova, Romberg donner vie à leur personnage.  Et on se dit qu’on gardera un souvenir plus fort que les Roméo des saisons passés,  exception faite de celui de 1991 qui réunissait Hilaire/Guillem/Jude…

 

Et pour finir, on remercie notre cher Noureev qui nous donne une fois encore envie de relire la pièce…

Roméo et Juliette - Noureev : Gilbert, Marchand, Bézard opéra de paris 2016
Partager cet article
Repost0
11 avril 2016 1 11 /04 /avril /2016 17:21
Roméo et Juliette - Baulac, Heymann, Alu, Magnenet - Opéra de Paris

Ce dimanche 10 avril, Léonore Baulac a eu la lourde tâche  de remplacer pour ainsi dire au pied levé Myriam Ould Braham, malheureusement blessée, et d’être la Juliette de Roméo-Heymann.  Déçue de ne pas voir Ould-Braham en Juliette, car encore sous le charme de sa Nikya, j’ai été néanmoins surprise par la facilité avec laquelle  la jeune danseuse qui s'adapte  rapidement à toutes sortes de changements, a campé une Juliette de haut vol malgré une certaine fébrilité bien compréhensible au vue du peu de répétitions que les deux danseurs ont dû avoir ensemble.

A vrai dire, il n’a manqué à ce couple charismatique à la danse  vraiment magnifique, qu’un peu plus d’émotion ; celle-ci n’est arrivée qu'assez tard dans le ballet. Et pourtant, ils ont l'un et l'autre tout ce qu'il faut pour ETRE Juliette et Romeo : la beauté, une danse superbe, une incandescence qui vont bien aux deux personnages. Si dans  la redoutable scène du balcon - où il y a un pas sur chaque note, suivant l’habitude de Noureev de mettre musique et chorégraphie en adéquation  et des portés vertigineux - l’effervescence de ces deux adolescents, sur qui l’amour tombe sans crier gare, était toujours un peu au bord de la fébrilité plus que de l’explosion  amoureuse, au troisième acte, l’un et l’autre libérés des grandes difficultés techniques du premier acte, ont incarné leur personnage avec une puissante intensité dramatique.

 Léonore campe une Juliette au caractère bien trempé ;  au premier acte, elle ne tombe pas dans le piège de surjouer une Juliette enfantine ; elle est juvénile, mais a déjà un fort caractère; elle s'affirme dès l'arrivée de ses parents. Au fil des actes, cette affirmation, cette volonté de prendre son destin en main lui donne une gravité et une profondeur qui vont crescendo. Jamais elle ne surjoue la douleur, ou la révolte mais la puissante volonté qui anime la jeune fille est perceptible d'un bout à l'autre de l'oeuvre, même dans son choix de mourir.
Heymann campe un très beau Roméo. Il y a une telle pureté dans sa danse, un tel lyrisme, un tel envol, que cela apporte au personnage une petite touche " elfique" qui ne dessert pas le personnage; un peu de Zaël passe dans son Roméo. Mais il y a surtout beaucoup de générosité, d’intensité et des prises de risque qu’auraient adorées Noureev! Et quel sourire! On comprend que Juliette fonde complètement! Son sourire est à son image : candide, lumineux, offert tout entier! Ses lignes sont superbes, et son style, fidèle à  Noureev, avec tout ce travail de «  desaxage »  par rapport à l’axe du corps.


Il était dommage que  l'orchestre soit dirigé mollement ; certes les pupitres étaient bien équilibrés mais les attaques étaient mollassonnes, les tempis un peu gnian-gnian.   Du coup, les danses de groupes manquaient de peps, et parfois de vie, malgré tous les efforts de la troupe pour déployer celle-ci sur scène. Malgré tout, une sincérité, un engagement de la part des artistes étaient perceptibles sur le plateau mais quelque chose manquait – et pas du fait des artistes en scène - ça aurait pu être plus fort, plus abouti encore peut-être avec plus de répétitions, ou moins de temps perdu à danser le reste de la saison des âneries néo-classiques sans âme ou des créations d’un autre âge ? 

Le  trio
Benvolio/ Mercutio/ Roméo ( Révillon, Alu) opposé à  Tybalt ( Magnenet) racontait bien la même histoire.  Tybalt, un peu trop gentil au début de l’œuvre, trouve son ton au cours du  ballet.  Benvolio/ Révillon avait la  bienveillance propre à ce personnage, et Alu  la vantardise latine et le panache à la Cyrano propre au personnage qui vit toujours en public.  C'est la première fois depuis L. Delanoe  que je vois mourir un Mercutio qui continue au moment de sa mort, tour à tour, de rire et de  grimaçer, laissant jusqu’au bout le public perplexe sur le sens de ses mimiques.  Même quand il s’écroule, on n’est pas sûr qu’il ne joue pas encore. On  adore Alu  quand il est en scène, et on l'attend quand il n'y est plus; encore un peu il volerait la vedette du couple principal! Il n’y a pas à dire : Alu sait incarner ses personnages comme peu de danseurs avec une technique superbe; tous ses pas ont un sens, expriment une idée, un sentiment, une émotion ; tout fait sens ; c’est précisément ce qui manquait un peu à Heymann et Baulac : une danse qui fait sens et qui n’existe pas que pour elle-même, mais sans doute les spectateurs des  mercredi ou samedi prochains auront la  chance de voir des personnages plus aboutis.

La
Rosalinde de Sara Kora Dayanova pleine de grâce, apportait aux scènes sur la place de Véronne une touche d'élégance au milieu de toute cette joyeuse et/ou belliqueuse assemblée ; un personnage pour une fois attachant, alors que d’habitude cette demoiselle fait un peu figure de «  vase décoratif » ;  la nourrice d'Alexandra Cardinale avait, quant à elle,  beaucoup de présence! Elle a autant de cœur que de gouaille et elle aime les beaux garçons! Héhé, la coquine!
Tout au long de ce Roméo,  chacun a apporté sa voix à l'ensemble.
Le drame s'est installé peu à peu, au milieu de la truculence, de la haine, de la rigolade, des combats, des coups bas, de l'amour, des bals, des mascarades, de la misère... et au final, quand les deux amants meurent, quelque chose meurt à ce moment là en nous avec eux...

 

La salle a chaleureusement applaudi les artistes qui rayonnaient sur scène au moment des saluts.

Partager cet article
Repost0
1 janvier 2016 5 01 /01 /janvier /2016 09:31
Ould Braham/ Alu : La Bayadère - 30 décembre 2015

Cette Bayadère du 30 décembre a été dominée de bout en bout par un corps de ballet et des ensembles parfois magnifiques (le groupe des 4 danseuses au tutu vert par exemple, les Hindous,  ou les Ombres) –  et aussi par François Alu qui nous a raconté une histoire avec une générosité et un panache exceptionnels. Toute sa fibre artistique s’est mise au service de Solor, qui dès son entrée, nous apparaît comme un jeune guerrier fougueux, autoritaire, mais qui fond d’amour pour Nikya ; pour cet amour absolu, sacré – ne lui jure-t-il pas sa fidélité au dessus du feu ? -   il est prêt à tout perdre si nécessaire : sa position, son rang, l’estime des siens.

François Alu rend tellement clair toutes les scènes mimées qu’il ne nous reste plus qu’à mettre des mots dessus. Ainsi, avec l’esclave  devant le temple : «  Quoi, elle n’est pas là ? Mais qu’est ce que tu as fichu, bon sang, je t’avais ordonné de la prévenir ! Oh, tu ferais mieux de sortir de ma vue avant que je ne m’en prenne à toi ! »

Plus tard, quand le Raja lui impose Gamzatti, alors qu’à plusieurs reprises il lui a tourné le dos, il  toise celle-ci  de la tête au pied d’un regard simple  qui dit : «  bon, je vous ai regardé, mais je ne ferai rien de plus, tenez le vous pour dit! »

Certes, c’est une petite liberté prise avec Solor qui en principe est  séduit par  cette princesse de haut rang et est ensuite tiraillé par les deux jeunes filles, mais le choix  de F. Alu d’un amour absolu voué à Nikya est dansé avec tant de passion qu’on y adhère sans réserve.

Ould Braham/ Alu : La Bayadère - 30 décembre 2015

Surtout qu’aux côtés du solaire Solor, la lunaire, délicate mais puissante Nikya de Myriam Ould Braham, est tout en retenu, en grâce, en émotion sur le fil.  Continuerait-elle à vivre, cette fille de la lune si Solor, par son feu, sa flamme, son ardeur ne la rattachait pas puissamment à la vie ?  Dès le 1er acte, elle appartient déjà un peu aux Ombres ; elle est danseuse sacrée par devoir, pas par vocation ;  l’amour du prince est plus important que son  « métier » de danseuse sacrée ; elle fait ce qu’on lui demande, mais  elle voudrait être libre. Ses variations ont été un pur moment de suspension dans le temps ; comment fait-elle pour étirer ainsi le temps, donner autant de poésie à son regard qui flotte sur une danse tout en intériorité ? Nikya a la  sinuosité d’un grand Cobra, et sa force aussi; ses  bras, son buste, ses mains et ses poignets admirables de souplesse respirent une nostalgie indicible, le regret d’un ailleurs qu’elle n’a pourtant pas connu ; mais tout à coup, elle peut devenir tranchante comme une faux et montrer sa puissance, comme la Kalki du panthéon hindoue : par exemple, à la fin de la variation du serpent, lorsqu’elle est sûre que par l’offre des fleurs, Solor lui confirme son amour, sans jouer de ses hanches comme le font certaines ballerines, Myriam Ould Braham désaxe ses bras et leur donne des angles aigus, qui revèlent le feu qui couve en elle qu’elle n’avait encore jamais montré ; on comprend mieux qu’elle ait pu saisir le poignard pour tuer Gamzatti, on comprend mieux que sans l’amour de Solor, plus rien ne la rattache à ce monde. Sa coda est virtuose sans aucun effet superflu. Les pointes sont puissantes mais légères, le regard triomphant et un peu fou, comme le veut ce moment où l’amour lui tourne littéralement la tête ; les mouvements précis, cassant sans être secs ou violents.

 C. Giezendaner était souffrante, je n’ai donc pas vu sa Gamzatti, hélas ! C’est C Colosante qui a eu la lourde tâche de la remplacer au pied levé.

Ould Braham/ Alu : La Bayadère - 30 décembre 2015

Guillaume Charlot avait affiné son jeu en grand Brahmane, beaucoup plus tourmenté et ambigu que le 18 décembre, et le rajah de Yann Saïz avait la prestance, l’autorité, la bonhommie, la gentillesse, la férocité du personnage aux multiples facettes, suivant les personnes à qui il s’adresse.

Lorsqu’à la fin de l’acte II Solor se jette sur la dépouille de Nikya, il dit à sa fille «  Bon,  ma chérie, il n’y a décidément rien à tirer de ce pauvre garçon, quand je pense que je te l’avais choisi pour mari ! Quelle erreur, allons,  partons, c’est décidément sans espoir ! » ; il ne joue donc pas le Rajah courroucé par un affront, mais plutôt le père qui se dit que décidément non, sa fille ne peut pas épouser un garçon pareil !

 

Le 3ème acte fut une perfection, hormis le passage avec le voile, qui décidément cette année aura donné du fil à retordre aux deux Nikyas  que j’aurais vues. D’une manière générale – hormis quand j’avais vu Zakharova – ce passage qui exiger tellement de force dans les jambes ne pardonne pas la moindre perte de l’axe dans les tours ;  le voile cesse alors d’être l’accessoire vaporeux qu’il devrait être.

Pour les trois Ombres, Hannah O Neil a dansé la 1ere comme si c’était le Grand Pas de Paquita,  Viikinkoski n'était pas musicale, ses levers de jambes étaient toujours hors accent,  et Guérineau  semblait éteinte…

Le mot de la fin :

Je ne m’attendais pas à tant de virtuosité de la part de F. Alu dans ce rôle, il faut le voir suspendre ses sauts, tourner sur son axe et arrêter net le tour ou au contraire, ralentir le tour pour mieux repartir ; il faut le voir s’engager dans ses manèges de grands jetés, de sauts, de doubles assemblés avec une énergie maîtrisée ; et enfin, il faut le voir donner ses tripes à Solor ; c’est ce qui m’avait tant manqué avec Kimin, qui est un merveilleux danseur mais qui semblait aussi vivant que mannequin d’un grand magasin… voilà bien un trésor qu’à l’opéra ; un garçon talentueux, généreux, qui rend hommage aux grands classiques avec une ardeur et un amour contagieux.

J’espère que Millepied saura le garder

 

Quand à Myriam que je n’avais pas vu depuis bien longtemps – souffrante l’année où j’aurais du voir son Aurore, hélas – quelle merveille ! Côté interprétation, elle reste très sobre, et ne surjoue pas son personnage,  mais sa danse est tellement habitée que c’est suffisant pour qu’on croit à sa Nykia. Et surtout, sa danse est si belle qu’on pourrait la suivre du regard pendant des heures, suspendu à chacun de ses pas.

Ces deux artistes ont salué le corps de ballet et c’était très beau de voir les deux rangées d’ombres rendre leurs remerciements

Fayçal Karoui n’a pas réussi comme le 18 à discipliner les cuivres insubordonnés et les bois qui n’ont pas tenu compte de ses indications… je n’ai plus du tout eu l’impression d’entendre le même orchestre qui sonnait si bien  ce jour-là. Fatigue ou lassitude, de la part de ces musiciens, c'est quand même impardonnable de jouer aussi mal!

Ould Braham/ Alu : La Bayadère - 30 décembre 2015

Photos littleshao et Agathe Poupeney pour l'opéra de Paris

 

A lire  : François Alu sur ce blog

 

La danse à tout prix, portrait de quatre jeunes espoirs, dont F Alu

Partager cet article
Repost0
19 décembre 2015 6 19 /12 /décembre /2015 10:49
Shapran et Kimin : La Bayadère de Noureev - 18 décembre 2015

Très beau spectacle que cette représentation du 18 décembre 2015, malgré des solistes disparates et vraiment mal accordés entre eux.

La star reste…. les costumes et le corps de ballet ! Et Fayçal Karaoui qui fait sonner l’orchestre Colonne avec doigté, réussit à rendre la partition écoutable presque de bout en bout, donne de la tenue aux solistes et équilibre cordes, cuivres et bois dans un dosage subtil ou la transparence le dispute à l’énergie, ce qui est une vraie prouesse avec Colonne.

Mr Karoui, décidément, je suis de vos fans !

 

Kim Kimin est un phénomène, cela va s’en dire : il a une élévation étonnante, une facilité déconcertante pour enchaîner les sauts, mais, manque de répétition ou trop grande pression, il a eu beaucoup de mal à entrer dans son personnage de Solor, ne lui donnant vraiment aucune consistance, et, plus troublant, perdant le rythme à la suite d’applaudissements précoces en cours de variation : le pauvre s’est retrouvé hors tempo si bien qu' il a terminé avant la fin de la musique,  meublant tant bien que mal les secondes restantes avec sur son visage une angoisse qui faisait peine à voir . Mais la scène, lorsqu'il prend son envol, semble trop petite pour lui... il est impressionnant et j'aimerais beaucoup le revoir dans un autre contexte!

Du côté de Shapran qui m’avait plutôt fait bonne impression en vidéo dans ce rôle, c’est difficile d’être positive : sa Bayadère n’a rien de sacré et semble un peu brutale ; ses mains font davantage penser au bout des ailes des pélicans qu’à ceux d’un cygne ; elle a un visage renfrogné et du 1er au dernier acte, on ne voit aucune évolution dans son personnage. Le dernier fut le plus laborieux. Pendant les saluts, elle semblait encore être en peine, ce qui a glacé le plateau… d'un côté, on avait Bourdon et Karoui, tout souriant, qui cherchaient à leur donner la main, et de l’autre, les deux Russes apeurés et comme mécontents d’eux-mêmes qui étaient là, perplexes, Shapran osant à peine saluer…

 

Inutile de dire que dans de telles conditions, il n’y a pas eu de «  duo » entre les solistes, ni de trio, ni de dialogue entre les différents protagonistes. 

 

Le meilleur passage de Shapran reste sans doute la deuxième partie de la danse du serpent, juste avant de mourir, lorsqu’une joie tout hystérique s’empare d’elle. On est à des années-lumière d’Aurélie Dupont,  tellement digne dans cette variation. Shapran, elle, le danse avec une intensité, un engagement qui mêle euphorie, triomphe et douleur…  son potentiel est apparu enfin, et ce qui vit en elle. Le reste laisse à penser qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas. A aucun moment, on a pu sentir les solistes heureux de danser, d’être là…

Peut-être souffrait-elle du dos?   elle n’a fait aucun  cambré dans la variation du désespoir, et ne s’est pas roulée à terre avec Gamzatti lors de la dispute. Au 3ème acte,  son visage nous disait :  «  vivement que ça finisse et que je tienne le coup jusqu’au bout, mais je souffre tellement… ! »

Shapran et Kimin : La Bayadère de Noureev - 18 décembre 2015

De Bourdon, je dirai que si la danseuse est passable pour reprendre l’expression de Mr Darcy, sa Gamzatti n’a ni  la flamboyante, ni le côté altier, ni le mordant, ni le brio, ni l’étincelance, ni l’élégance d’une Platel, Pagliero, ou Gilbert. Que ce soit les fouettés, les grands jetés, la batterie, les petits pas ou les équilibres, tout est correct, sans plus. Côté interprétation, à part relever le menton en l’air, ce qui n’est pas du meilleur effet et pincer les lèvres, il n’y a pas grand-chose de plus et guère de nuances…   je continue à ne pas comprendre l'engouement général...

 

 

Passons au positif : le corps de ballet, globalement en forme et heureux d’être en scène ! C’est grâce à ce cher corps de ballet que j’ai passé malgré tout une excellente soirée, mettant de côté ma déception face aux solites…

Les costumes n'ont plus le côté flambant neuf et désharmonisé  de 2012 : ouf!

 

Charline Giezendanner nous a offert dans sa danse Manou toute la poésie teintée d’humour, et d’espièglerie dont elle seule à le secret ;  sa complicité avec les deux adorables fillettes de l’école  était pleine de grâce et de fraîcheur et de ce qu'il fallait d'agacement amusé quand celles-ci tirent sur sa robe. Quelle modestie chez cette danseuse, quelle élégance, quelle simplicité naturelle, quelle lumière, enfin !

C’est toujours, toujours un immense plaisir de la voir.

 

Les trois Ombres ne me laisseront pas un souvenir impérissable et pourtant il y avait Hannah O Neil que j’adore, mais sa première Ombre n’était pas assez planante ni mystérieuse. Sa variation était trop rapide, même si elle était exquise par sa grâce naturelle ;  celle de Colosante  était bien trop humaine – ce sont des Ombres, que diable ! -  celle Silvia Saint Martin était honnête, sans plus.

 

C’est dans cet acte que nos deux Russes ont le plus souffert : plus du tout d’expression sur le visage de Shapran, si ce n’est de la peur de ne pas finir, et le pauvre Kim faisait ce qu’il pouvait pour sauver le tout.

 

La descente des ombres a été superbe jusqu’à ce que les 32 se retrouvent toutes ensemble,

Là, malheureusement, au bout de la 20ème représentation, certaines sont épuisées, et les muscles tremblent malgré elles : il y en avait trois côte à côte dont les jambes vacillaient au point de nous faire avoir peur pour elles…

 

Les Négrillons sont bien blancs… sauf un enfant particulièrement lumineux qui a naturellement une jolie peau foncée et qui dont le sourire, splendide, a mis instantanément toute la salle en joie … un petit moment spontané comme on les aime dans les spectacles vivants.

 

Le brahmane de Charlot manquait un peu de nuance, Yann Saiz n’avait pas son pareil pour camper ce personnage et lui donner mille contradictions entre son devoir de prêtre et son amour pour la Bayadère…

Le Rajah de Laurent Novis est maître chez lui et déteste ne pas être obéi ! Bigre !Pas question d'être contredit ni  dérangé dans sa tranquillité ! C’est fou comme avec peu de choses, certains danseurs parviennent à dire autant !

 

La  minéralité naturelle et le charisme de l’Idole dorée d’Alu ont enflammé la salle… avec sa morphologie tout en muscles et sa puissance en scène, son idole dorée, majestueuse et imposante évoque le Terrible Shiva…

 

Voilà, les trois actes ont passé vite, malgré les bémols dus aux solistes.

Mon fils n’en a pas perdu une miette et mon mari est encore sous le charme de Kimin.

Nous sommes rentrés tous les trois, le cœur en fête.

Merci à tous les artistes pour cette belle soirée

 

Pontois et Noureev en 1974

Pontois et Noureev en 1974

Partager cet article
Repost0
2 novembre 2015 1 02 /11 /novembre /2015 08:20
Concours de promotion de l'opéra de Paris 2015

Concours  de l’opéra de Paris  les 3 et 6  novembre 2015


Première danseuse : 2 postes
Premier danseur : 1 poste
Sujet femme : 4 postes
Sujet homme : 1 poste
Coryphée femme : 5 postes
Coryphée homme : 2 postes

 

Il était question que le concours disparaisse et puis, non, il est toujours en place. Millepied, pas plus que Noureev, ne pourront donc le supprimer. Il semblerait que les danseurs eux-mêmes soient très attachés à ce concours qui leur permet, pour ceux qui le passent car ce n’est pas obligatoire, de se «  montrer » dans le bon sens du terme ; ils ont aussi l’impression qu’ainsi, tout le monde a ses chances, qu’il y a une certaine justice, car la place dépend du nombre de points obtenus ;  le jury composé de danseurs de l’opéra, du directeur de la danse, et d’autres danseurs issus d’autres compagnies doit en principe poser un regard neutre sur chacun ; mais comme toujours, l’objectivité absolue est-elle réelle ce jour ? D’autres enjeux, préférences, raisons obscures ne président elles pas au choix des nommés ? Souvent, les distributions de l'année, donnent un peu la température du concours; on voit qui est souvent distribué, qui ne l'est pas; tout cela a un petit côté cour du Roi Soleil, où l'on est dans les petits papiers de M.....  ou pas.... en ce sens, je comprends l'attachement au concours, une certaine justice semble être rétablie...

Pour le titre d'étoile, pas de concours bien sûr, mais une proposition au directeur de l'opéra de la part du directeur de la danse. Le nombre varie mais oscille toujours entre une quinzaine d'étoiles féminines et masculines, pour environ 120 danseurs du corps de ballet qui se divisent en quatre états : quadrille, le premier état, lorsque les élèves ont terminé leur classe, et se présentent au concours; un autre concours est ouvert aux élèves de toutes les écoles du monde. Puis vient le grade de coryphée, puis sujet, puis premier danseur. Beaucoup d'étoiles ne sont pas forcément passées par l'école de danse de l'opéra de Paris; on peut citer Platel, Ciaravola, Osta, Pagliero, Gilbert, issus d'autres écoles... cela signifie que l'école de danse n'est pas forcément une pépinière à étoiles... il y aurait beaucoup à dire la dessus mais ce sera pour une autre fois!

La sublime Hannah O Neil

Rude concours cette année encore pour les sujets filles ; deux places pour de nombreux talents dans les rangs des demoiselles

Mes goûts vont immanquablement à  Hannah O Neil, qui possède une technique d’acier, une belle présence, du charisme, une beauté radieuse sur scène ; elle est également très féminine. Cela fait du bien de voir une "femme" sur scène et il n'y en a pas tant que cela à l'opéra; la dernière en date était Ciaravola

Tout de suite après, la lumineuse Léonore Baulac qu’on suit aussi bien dans le classique que dans le contemporain. Comme Hannah, Léonore est une travailleuse acharnée… elle a été beaucoup distribuée depuis deux saisons.

Viendrait toujours en fonction de mes goûts personnels tout de suite après Charline Giezendanner ; certes, il y a peu d’espoir de la voir promue mais sa personnalité en scène est unique, et elle a réussi à me réveiller dans bien des ballets où je m’endormais, - comme la Source pour n’en citer qu’un -  par son engagement scénique et sa spiritualité. 

Ensuite, Sae Eun Park  que je vois depuis le Anne Teresa de Keersmaeker d’un tout autre œil ; la demoiselle dévoile peu en scène et pourtant, il suffit de la pousser un peu pour découvrir une toute autre artiste que celle qu’elle donne d’habitude à voir. Sa technique sûre, et elle a tout le potentiel d’une future étoile, si elle arrive à débrider sa personnalité.

Beaucoup espèrent que Héloise Bourdon «  montera » comme on dit à l’ONP, mais je lui préfére grandement les artistes que j’ai citées précédement. Tout comme Albisson, je ne suis pas touchée par cette danseuse à qui je trouve un  côté  très scolaire qui m’insupporte. 

 

Côté garçons, ce n’est pas mieux, il n’y a qu’un poste auquel peuvent prétendre bien du monde ! La compétition sera rude aussi.

J’ai été séduite cet hiver par le Siegfried de Bittencourt aux très belles lignes, mais j’ai personnellement une affection toute particulière pour Fabien Revillon qui m’a profondément marquée cet hiver, dans le Chant de la Terre.

Il y a toujours, comme pour Charline, les arguments «  contre » : l’âge, le fait de ne pas avoir véritablement l’étoffe d’une étoile, etc, etc…

                                                                                             Revillon et Bezard, Neumeier

certes;   l'autre argument est qu'un premier danseur est une étoile potentielle, et que nommer quelqu'un qui n'en a pas l'étoffe, c'est bloquer une place.... 

Mais comme Romoli autrefois, ou Paquette, je me rappelle de chaque prestation de Revillon quand d’autres s’effacent... son Lenski tout feu tout flamme et plein de candeur m’est profondément resté en mémoire, et pourtant cinq ou six ans ont passé et depuis, Revillon a renforcé une belle technique

 

Pour les sujets filles , ce sera moins pénible, il y a quatre postes

 

Il semblerait logique, au vue de ses qualités que Letizia Galloni passe sujet ; classique, contemporain, elle danse tout avec ardeur, passion, et une technique confirmée. Barbeau est une danseuse très charismatique, qu'on n'oublie jamais après l'avoir vue; elle aussi très à l’aise dans le classique et le contemporain ; Hilaire a une très belle présence en scène, et de belles lignes… 

 

Ci contre, Letizia Galloni

 

Et pour une numéro quatre, pourquoi pas Charlotte Ranson, qui, elle aussi, un peu    « poussée »  apporte une lumière en scène inégalable.

Mais cette place pourrait revenir à Viikinkoski, mise souvent en avant par la direction sans que je comprenne pourquoi. Elle n’avait pas particulièrement brillé dans le difficile pas de trois de Paquita !  Elle sera Gamzatti sur Bayadère cet hiver, ce qui me laisse dubitative...

 

Côté garçons, un seul poste de sujet, mais là, je ne les connais pas assez pour me prononcer ; Vigliotti brille particulièrement dans ce corps des coryphées, mais d’autres peuvent sans doute prétendre à la place.

 

Cinq postes de coryphées filles : de quoi avoir l’espoir de voir monter Lucie Mateci, une artiste que j’aime particulièrement ;  il y a aussi Amélie Joannidès, pétillante sur scène… pour les autres, je ne les connais pas non plus assez.

 

Deux postes de coryphées garçons : mais je ne peux absolument pas me prononcer !

 

Je n’assisterai pas au concours car je travaille, mais vous trouverez quand même sur ce blog un compte-rendu !

 

Partager cet article
Repost0
1 novembre 2015 7 01 /11 /novembre /2015 10:15
Photo  Agathe Poupeney

Photo Agathe Poupeney

Cette soirée consacrée à Anne Teresa de Keersmaeker, dite ATK, commençait par Quatuor (Hilaire, Park, Bauchmon, Ranson), sur une musique de Bartok.

J’avais été mise en appétit par une petite vidéo postée sur le facebook de l’opéra de Paris qui montrait les quatre demoiselles de près dans le passage le plus réussi du Quatuor… je me suis fait avoir, mais je ne le regrette pas. Malgré l’insipidité du propos, les filles arrivent à tirer leur épingle du jeu ; Hilaire est sensuelle à souhait, Bauchman, puissamment lyrique, Ranson, diaphane et aussi précieuse qu’un Sèvre, et Sae Eun Park, c’est le feu qui couve sous la glace. Avec sa silhouette tellement fine, et sa grande pudeur et retenue quand elle danse, elle cache un tempérament incroyablement fougueux et puissant, comme un volcan en sommeil ; la voir dans ce répertoire était magique.

Contrairement à ce que j’ai lu à droite et à gauche, la construction est scolaire, poussive, et très peu inventive. Beaucoup trop longue aussi. ATK s’acharne à dire en 30 minutes ce qu’elle pourrait dire en 10 et comme si cela ne suffisait pas, il faut qu’elle rajoute ensuite d’une façon systématique des moments dansés dans le silence ! C’est tellement tendance depuis les années 1980 !

Donc entre chaque mouvement (et il y en a cinq) on a de longs passages dansés en silence, où on sent les filles sur le fil du rasoir, pas à l’aise, bref, des moments pénibles !

D’ailleurs l’œuvre commence dans le silence, puis, tour à tour, chaque fille va être meneuse dans le groupe, chacune sur un mouvement, en fonction de sa personnalité, et ensuite, - comme il y a cinq mouvements en tout – on redit la même chose mais toutes ensemble sur le cinquième.

La scène est sagement utilisée : en long, en large, en travers ! Comme c’est inventif !

Il faut donc beaucoup de patience au spectateur pour qu’il ne s’ennuye pas ferme pendant ces trente minutes de redites, où l’on voit une bande de gamines, sauter, marcher, courir, faire des galipettes, montrer sa culotte ( une fois, deux fois, trois fois, dix fois ! N’ayons pas peur de le refaire encore et encore !) ATK se croit sans doute investie d’un talent à  la Steeve Reich dont elle ne donne hélas qu’une pâle copie ; tout le monde n’a pas assez de génie pour tenir en haleine un auditeur ou un public avec un minimum de moyens, comme c’est le cas ici !

C’est sans doute grâce au charisme des danseuses que j’ai pu m’intéresser malgré tout à la vacuité de ce propos ; il faut dire que les demoiselles mènent le dernier mouvement tambour battant et que du coup, il se passe enfin quelque chose : on dirait que tout à coup, tout prend vie, devient vivant et authentique : il était temps, 28 minutes ont déjà passé !

Pour ne rien arranger, on sentait les danseuses quelques peu stressées, parfois crispées, et du coup, souvent peu synchrones.

A noter que les musiciens, dont le rôle est quand même ingrat, ont donné du relief et de la vivacité à ce quatuor de Bartók  (  E. Lacrouts, Gulot, Lenert, C Lacrouts)

Photo Opéra de Paris

Photo Opéra de Paris

Voilà qui ne mettait guère en appétit pour le morceau suivant, « Grosse Fugue », un quatuor de Beethoven. D’ailleurs, un public froid, qui n’applaudit pas, et fait des remarques à haute voix sur l’insipidité du propos, des éclairages et des costumes !

Après la cour de récréation, la sortie de bureau. Mais là, attention, on change  de  « niveau ».

Il faut tout le génie des danseurs de l’opéra pour rendre une fois encore intéressant une sempiternelle répétition de bonds et de roulades au sol, par des gens en costumes cravates qui finiront en tee shirt. Encore un peu on entendrait Zebda «  Tomber la chemiiiiise !! »

Pauvres genoux des danseurs !

Là non plus, pas une grande inventivité ; mais la vélocité, la fulgurance, la félinité, de Renavand,   Paquette,   Magnenet,   Bullion,   Chailley, Paul, Couvez et Gasse pour nous emporter dans ce petit «  délire » de fin de semaine où enfin on se lâche ! ça  « hip-hoperait «  presque à certains moments, mais sans la casquette à l’envers quand même ! C’est beaucoup plus «  smart »  -  ( Note : B M ne communique qu’en anglais sur son facebook, il faut bien que je m’y mette !)  La joie des danseurs  et leur plaisir sur scène est réellement communicatif et on partage leur petit grain de folie pendant ces trente minutes ; est-ce ce qu’a voulu ATK ? Si tel était son désir, alors on peut dire que c’est une vraie réussite ! La jeunesse et l’impétuosité de cette bande, menée tambour battant par l’irréelle Alice Renavand au visage, à la chevelure et à la silhouette parfaites, nous met dans un véritable état d’allégresse !

Après cette pièce, la moitié de la salle a gardé les bras croisés en guise d’applaudissement, et un bon dizième n’est pas revenu !

Et ils ont eu raison : le pire restait à venir !

Photo Opéra de Paris

Photo Opéra de Paris

Nous servir cette soupe de Verklarte Nacht, digne d’un roman de Barbara Cartland, sur la musique rendue complètement sirupeuse dans sa version pour orchestre du sextuor de Schoenberg avait de quoi faire prendre la danse en grippe !

Dès le début, ce ne sont que jérémiades de filles par terre – la Gillot s’en donne à cœur joie, et qu’est ce qu’elle le fait bien ! -  et de garçons qui les repoussent

Elles se jettent à leur cou, ils les repoussent, elles se roulent par terre…. Et cela pendant au moins 30 minutes !

J’avais déjà vu des pièces analogues au théâtre de la Ville dans les années 1990. Ces choses enfièvrées et échevelées ou tout le monde se secoue dans tous les sens dans une hystérie collective de mauvais goût.

Même commentaire que précédement, ces danseurs sont tellement extraordinaires qu’on est fasciné par eux, et non par ce qu’ils dansent ; on ne savait pas que les corps pouvaient se tordre jusqu’au bord de la rupture, ni les corps se tendre jusqu’à l’infini…. En revanche, les cheveux qui volent ici et là, on y a déjà eu droit il y a bien longtemps dans la terrible scène où la pauvre Mélisande se fait maltrairer par l’infâme Golaud !...

N’empêche, ces danseurs de l’opéra de Paris, ils sont fascinants, et c’est parce qu’ils le sont que je me suis décidée à aller voir ce programme ; quatre mois sans les voir sur scène – je ne suis pas allée à la soirée mixte du début de saison – cela crée un manque terrible, et il fallait bien que je les revoie pour que ce manque se comble un peu.

Et à la fin de cette histoire qui se passe dans la forêt, les violoncelles « vibratent » à en faire trembler le plafond de Chagall, - ils font même concurrence au métro qui fait trembler le sol -  le chef ( excellent Vello Pahn) décolle en fusée, tout le monde s’aime : alleluia !

Je suis ressortie de là en même disant qu’ATK n’a pas sa place à l’opéra de Paris ; la grandeur de la scène la dessert, le manque d’intimité aussi ; on est trop loin des danseurs, la salle est trop grande pour que cela serve son propos.

Après, il reste de fugitifs moments, où le visage bouleversant de Letizia Galloni se fige dans notre mémoire,  - on la verrait bien dans la compagnie d'Alvin Ailey, du temps de sa splendeur, car elle a la puissance, l'élégance, et ce délié du corps propre aux anciens danseurs de cette illustre troupe, telle J Jamison - où les blondeurs conjuguées de Paquette et Baulac se mêlent comme en un rêve, ou la puissance de MA Gillot, véritable Ovni de la danse, nous fige sur place… quelle incroyable danseuse…!

 

 

J'avais pris deux places, mais je ne sais pas encore si je retournerai voir ce programme dimanche prochain; si j'y retourne, je partirai à l'entracte, c'est sûr!

 

Partager cet article
Repost0
21 juin 2015 7 21 /06 /juin /2015 08:37
photo sebastien mathé

photo sebastien mathé

Le ballet de José Martinez, empli de poésie est une œuvre extrêmement généreuse de part ces nombreux clins d’œil et référence au théâtre, au cinéma, au film et à la danse elle-même et les multiples chorégraphes que Martinez a rencontrés au cours de sa carrière; ces Enfants du Paradis font plaisir à voir, à revoir, même si d’un point de vue personnel le ballet néo-classique en remplacement de l’inénarrable répétition de l’auberge des Adrets et de ses trois auteurs puis de la représentation qui en suivra fait sortir le spectateur de l’histoire. Il est difficile ensuite de reprendre le fil de l'intrigue après les 10 ou 15 minutes de ce long passage.

Autre bémol, le manque visible de liberté que José Martinez a eue pour sa création, car obligé de se plier à la scénographie de François Roussillon – qu’on connaît pour ses documentaires sur la danse – qui elle-même suit pas à pas le film, peut-être par obligation.

Enfin, dernier double bémol, les scènes de mime un peu trop nombreuses pour le rôle de Baptiste à qui on aurait aimé voir confier une variation dansée supplémentaire.

Il n’en reste pas moins qu'on est sous le charme  d’une poésie qui se déploie au fur et à mesure comme le parfum du jasmin dans l'air des soirs d'été.

Les plus de ce ballet sont le langage chorégraphique qui personnifie magnifiquement chaque caractère  : lyrisme, cruauté, honnêteté, truculence, esprit calculateur, mesquinerie, petitesse dans la grandeur,méchanceté, douceur et faiblesse,  il est facile de reconnaître  chaque personnage du film pour lesquel Martinez a fait du sur mesure.

Cette année, il fallait accepter de se priver d’Isabelle Ciaravola dans le rôle de Garance. La distribution que j’ai choisie présentait de l’excellent et du moins enthousiasmant.

 

Vu il y a maintenant quinze jours, mais n’ayant pas eu le temps d’écrire le compte rendu pour diverses raisons, il me revient tout de suite à l’esprit  le lumineux Karl Paquette, qui décidément aura tout fait cette année, y compris revêtir le costume du lion pour le plus grand plaisir du public! Il n'y a que lui pour mettre en joie 2000 personnes, rien qu'en se costumant en lion!
Et il faut le voir s'envoler dans le ballet néo-classique et y déployer une technique solide, brillante, enthousiasmant de sa présence solaire toute une salle sous le charme.

Après son merveilleux Lucien dans Paquita, le retrouver dans un rôle aussi truculent est un vrai bonheur. Karl Paquette continue à donner beaucoup à son public qui l’aime de tout son cœur ; sans doute l’un des artistes les plus populaires actuellement à l’opéra de Paris.


Ganio est parfait en Baptiste , qui malheureusement n'est pas assez " dansant"; une ou deux variations supplémentaires au lieu des scènes de mime auraient été bienvenues,  car celles-ci directement sorties du film, font un drôle d'effet dans ce contexte; elles sont un peu fades, un peu longues, parce que JL Barraut est juste inégalable,  - et quand bien même on ne l'aurait jamais vu, il n'en reste pas moins que le mime filmé de près ne peut donner la même chose que celui-ci réalisé sur une grande scène de danse au milieu d'un ballet.   On regrette de ne pas voir autre chose que ce que l'on connait déjà ;  malgré cela, Ganio n’a pas son pareil pour susciter de la compassion pour son amour contrarié, ou nous faire ressentir les affres de l’amour dans le pas de deux final.


A ses côtés, un Lacenaire extraordinaire en la personne de Vincent Chaillet qui s'effile comme la pointe d'un couteau, est capable de  se recréer en deux dimensions pour  glisser comme une ombre inquiétante,  se montre cinglant,  ou brillant, génial ou vaniteux. Un personnage fait  de génie et de cruauté.
Un rôle sur mesure pour lui où il déploie une technique brillante et un jeu de haut vol

Zusperreguy,  incarne Nathalie avec vérité, émotion et finesse de jeu.  Il y a une toute petite scène avec elle, Ganio et un enfant de l’école de danse qui en quelques glissades évoque tout le  bonheur familial.  On m’a dit le plus grand bien de Mélanie Hurel dans le rôle, et je regrette de n’avoir pas vu une autre distribution pour voir cette belle artiste trop rare à mon goût.

 


Je n'ai pas du tout aimé la proposition de Pujol en Garance qui, trop effacée, trop douce, ou trop enfantine,  a du mal à faire un vrai choix pour incarner son personnage ; il est difficile de croire à son amour pour Baptiste;   sa relation avec F Lemaître ou avec le comte n'est guère plus convaincante. Ciaravola manque beaucoup dans ce rôle et on se fait la remarque que sans elle, les enfants sont bien orphelins.
La danse est belle, fluide, virtuose, comme souvent, mais on dirait qu'elle n'ose pas être Garance,  peut-être tout simplement pas fait pour elle.


La madame Hermine de S Romberg n'est pas non plus  formidable,  le jeu est trop appuyé; même commentaire pour le Comte de Benjamin , fade et pas assez hautain (quel contraste avec son excellent Mr de GM d'il y a un mois!

 

Les enfants du paradis - Martinez - ONP 2015

Le premier acte est joyeusement enlevé avec une troupe soudée, et malgré une scénographie très scolaire qui s'emploie à reproduire trop fidèlement le film, on se laisse très facilement emporté par toutes ces petites scènes qui se succèdent assez rapidement et  auxquelles Martinez insuffle beaucoup de vie.
Le second acte manque de ressort à tous points de vue, du fait de cette sorte d'alliance ratée entre les différents protagonistes de la distribution de ce soir là. Pech n’est pas assez présent, Garance non plus ; comme il s’enchaine au ballet néo-classique, on sort tout à fait de l’histoire et on devient spectateur du spectateur qu’on est….

Bien qu’ il n'ait pas du être facile pour Martinez de composer quelque chose de fluide sur un canevas  rigide, le chorégraphe en variant les clins d’œil multiples, les hommages et en exportant souvent le ballet hors de la scène a créé un propos inventif, sensible, parfois joyeusement désordonné  comme peut l'être un plateau de cinéma. Joli clin d'oeil que d'être   accueilli  par les personnages dès notre arrivée, de voir les tracts tomber du plafond pour nous annoncer à l'entracte  Othello dansé dans le grand escalier pendant que le ballet narratif est   répété sur scène avec Martinez himself en maître de ballet, ou de voir Garance traverser toute la salle pour disparaître loin de Baptiste par l'entrée des spectateurs à l'orchestre. Les pas de deux sont  vraiment superbes, poignants, les variations et les tableaux regorgent de vie et de créativité, les actions se superposent parfois dans un même espace, et cela très habilement:  que d'idées pour une seule oeuvre! On aimerait le voir créer d'un bout à l'autre autre chose rien que pour le plaisir de le voir libre et sans contrainte..

La musique, plaisante, a dû elle aussi se plier à la scénographie ce qui lui donne un petit côté collage musical comme dans les «  musicals », mais elle suit agréablement le ballet.
On regrette en sortant de n’avoir pas vu une autre Garance, et un découpage du film un peu plus libre afin que  tout le talent  des danseurs et du chorégraphe, José Martinez soient mieux exploités.

Les enfants du paradis - Martinez - ONP 2015
Partager cet article
Repost0